Histoire de la Thailande

 

Prehistoire:

les plus importantes découvertes archéologiques furent sur le site de Ban Chiang (dans le Nord-Est) qui fut occupé de 3600 à 250 av. J.C. Les fouilles récentes mirent à jour des poteries, des bijoux, des outils en bronze et en fer... Des instruments de pierre comme des haches et autres ustensiles ont été découverts dans divers endroits de la péninsule indochinoise et indiquent que les peuples primitifs vivaient dans des grottes. Il apparaît ainsi que l'âge du bronze en Thaïlande (3600 à 2900 av. J.C.) est contemporain de celui de la vallée du Tigre et de l'Euphrate et a donc précédé l'âge du bronze européen. La culture de Ban Chiang reste toutefois mystérieuse mais fait preuve, pour l'époque, d'un haut degré de technologie auquel était parvenu l'homme préhistorique en Asie du sud-est.

MIGRATIONS DES THAÏLANDAIS:

L'origine des Thaïs reste controversée, même de nos jours. Il semble toutefois que les Thaïs proviendraient de la région de Szechuan (Sud-Ouest de la Chine). Comme les Chinois, les Thaïs sont apparentés aux Mongols. Depuis le VI° siècle av. J.C. les annales Chinoises font de fréquentes références aux Thaïs comme étant les "barbares" du Sud du Yan-Tse-Kiang. Mais par manque d'unité, les Thaïs ne purent organiser une résistance efficace aux règles Chinoises et certains furent, tôt ou tard, absorbés par eux. D'autres firent des tentatives pour conserver leur indépendance. C'est dans ce cadre là que commencèrent progressivement d'importantes migrations vers le Sud le long des vallées fluviales fertiles.

Un groupe venant de l'Ouest est descendu le long du fleuve Salween. Ce sont les Shans aussi nommés les «Grands Thaïs» qui s'installèrent en Haute-Birmanie. Choisissant la vallée du Mékong pour s'y fixer, un autre groupe (les Laos) venant de l'est a propagé son influence sur les territoires montagneux du Haut-Tonking. Le gros des migrants s'établirent dans le Nord de l'actuelle Thaïlande autour de Chiang Mai et Chiang Saen, ce sont les «Petits Thaïlandais».

Après les hommes primitifs, arrivèrent les peuples Negritos, les Môn-khmers et les Lawas. Avec le temps les Môn-khmers et les Lawas se sont dispersés dans des directions différentes. Les Môns, ultérieurement connus sous le nom de Talaings de Pegu, se fixèrent le long du fleuve Salween d'où ils s'étendirent au Sud du fleuve Irrawadi, tandis que les Khmers, dont les descendants directs sont les Cambodgiens, bâtirent leur patrie dans la partie basse du Mékong. Flanqués d'un côté par les Môns et de l'autre par les Khmers, les Lawas se sont propagés du Nord au Sud de la vallée du Chao Praya. Les Môns, les Khmers et les Lawas adoptèrent la religion et la culture Hindoue. La migration Indienne dans la péninsule Indochinoise doit avoir commencé avant le 3° siècle av. J.C. et a continué lors des premiers siècles de l'ère Chrétienne. Cette péninsule, le Suvarnabhumi (ce "Pays d'or" étant le Sud-Est Asiatique) fut familière aux Hindous. Les Hindous y introduisirent ainsi le Brahmanisme et ce fut le début d'une période d'échange commerciaux, de mariages avec les autochtones... avec pour conséquence que leurs descendants commencèrent à exercer un pouvoir considérable dans les divers royaumes (Funan, Dvaravati, Chenla, Champa, Srikasetra, Suddhammati, et Srivijaya). Le Chenla étant à l'origine de l'empire Khmer.

Dans les tribus au Nord du Chao Phraya (Chiang Mai, Chiang Saen ...), les Thaïs se sont regroupés pour former le royaume de Chiang Saen, la principauté de Payao et quelques autres petits royaumes et principautés. La ville de Chiang Mai devint la capitale d'un de ces royaumes et a conservé pendant longtemps un gouvernement autonome et sa culture originale malgré le déplacement progressif du pouvoir vers des villes plus au sud. Ultérieurement, les descendants de Phroms créèrent la principauté de Payao tandis que certains chefs Thaïs qui étaient sous le contrôle des Khmers, tel que Bang Klang Thao et Pha Muang par exemple, montrèrent des signes d'indépendance envers les Khmers.

Sukhothai:

Début du 12° siècle, les Thaïs établirent de petites cités-états dans le Nord à Lanna, Phayao et Sukhothay. En 1238, deux chefs Thaïs se rebellèrent contre les Khmers et établirent à Sukhothai ("Aube de Bonheur") le premier Royaume Thaïlandais véritablement indépendant.

Au départ de Sukhothai l'influence des Thaïs fut graduellement étendue sur autour du bassin du fleuve Chao Phraya, avec l'établissement du Bouddhisme Theravada comme religion suprême, la création de l'alphabet Thaïs et la première expression des formes naissantes de l'art Thaïs (peintures, sculptures, architecture et littérature).

Au XIII° siècle, les Thaïs étaient de plus en plus nombreux à tenir les rennes du pouvoir. C'est ainsi que Bang Klang Thao et Pha Muang, gouverneurs de Ban Yang et Rad, décidèrent en 1238 de joindre leurs forces respectives et de renverser les Khmers en les chassant de Sukhothaï. Avec le soutien des Thaïs, Bang Klang Thao fut sacré roi sous le nom de Si Inthrathit de Sukhothaï, titre qui avait été donné par les Khmers au gouverneur de la ville. Ainsi naissait le premier royaume indépendant de Thaïlande à Sukhothai. Ce fut une sorte «d'âge d'or» qui commençait.

Ramkhamhaeng (Rama le Brave) fut non seulement le roi le plus célèbre de Sukhothaï mais aussi un grand roi. Pieu, il est en fait responsable de l'introduction du Bouddhisme Theravada importé de Ceylan. L'animisme restant toutefois présent comme en témoigne cette mention par Ramkhamhaeng d'un esprit habitant la montagne, nommé Phra Khapung Phi, «supérieur à tous les autres esprits du pays», qui, invoqué de façon adéquate, peut assurer la prospérité. Réalisant l'importance d'une langue nationale comme force d'unification du peuple ainsi que comme symbole de son indépendance, il a créé en 1283 le premier alphabet Thaïlandais, utilisant comme base les écritures Môn et Khmer dont la tournure était dérivée d'une écriture du sud de l'Inde.

L'édification de la nation Thaïe fut d'autre part rendue possible par l'entente de trois souverains indépendants. A l'annonce de la prise de Pagan (Birmanie) par les armées de Kubilay Khan en 1287, Ramkhamhaeng conclut en effet un pacte avec les princes Thaïs du Nord, Mengraï de Chiang Raï et Ngam Muang de Payao. Tous trois s'entendirent pour protéger mutuellement leurs frontières contre l'ennemi commun. Ce pacte dura jusqu'à leur mort.

Lan Na Thai Periods:

C'est le Roi Mengraï qui devait parachever l'expansion politique des Thaïs vers le nord, en annexant le dernier royaume Môn d'Hariphunchaï vers 1292. Il commença par envoyer un agent provocateurpou r semer la discorde et, le moment venu, son armée alla «cueillir la ville comme un fruit mûr ».Désireux de fonder une nouvelle capitale, Mengraï invita ses deux alliés à l'aider dans le choix d'un site. Les auspices s'avérant favorables près de la rivière Mae Ping, il décida en 1296, d'y fonder Chiang Mai «Nouvelle Ville», capitale du royaume de Lan Na Thaï «Terre au million de rizières». Agé de plus de soixante ans, Ramkhamhaeng devait mourir en 1299 dans les rapides de Sawankhalok.S'ensuivit une periode de crise qui affaibli le Royaume de Sukhothai. Cette derniere fut deserte en 1378 pour Phitsanulok.

LA PERIODE AYUTHAYA:

Le jeune royaume du sud dans la vallée du Chao Phraya fut fondé en 1350. Ayuthaya en fut la capitale jusqu'en 1767. Les seigneurs d'U-Tong, dont le territoire occupait l'actuel Suphan Buri, étaient membres de la famille prestigieuse des rois de Chiang Saen. Sous le règne de Phya U-Tong, une épidémie de choléra contraignit le roi à évacuer son peuple sur Ayodhya (Ayuthaya). La nouvelle capitale de Phya U-Tong jouissait de plusieurs avantages. Sa situation sur une île située au confluent du Chao Phraya et des rivières Lopburi et Pasak, à proximité de la mer, et entourée de plaines fertiles destinées à la culture du riz, en faisait un carrefour de communication et un siège idéal pour l'administration. Phya U-Tong s'installa officiellement en 1350, après trois années de préparation, et prit le titre de Ramathibodi Ier. Pendant son règne (1350-1369), la monarchie fut absolue. La structure principale de l'état était similaire à celle de Sukhothaï, mais était inextricablement teinté de fortes influences Cambodgiennes. En quelques années, il réunit tout le Siam central, y compris Sukhothaï, à ses possessions et étendit sa domination sur la péninsule malaise et la basse Birmanie. Lui-même et ses successeurs se lancèrent dans des campagnes d'annexion contre Chiang Mai et le Cambodge.

En 1369, au décès de son père, le prince Ramesuan, devint roi et s'empara de Chiang Maï en 1390. Trois ans plus tard, il detruisit le royaume d'Angkor.

Sous Narésuan le grand, Ayuthaya connut une période de prospérité dont témoignent les descriptions faites par les Européens qui visitèrent la métropole au XVII° siècle. En effet, durant le règne de Naresuan le Grand, les Espagnols, les Portugais, commencèrent des échanges commerciaux avec Ayuthaya. Le roi Ekathosarot (1605-1610), frère et successeur de Naresuan, a continué les relations amicales avec les pays Occidentaux, montrant son amitié aux Hollandais, aux Anglais et aux Japonais.

Durant les 417 années d'Ayuthaya en tant que capitale, sous le règne de 33 rois, les Thais amenèrent leur propre culture à maturité, débarrassant totalement leurs terres de la présence Khmer et en étroit contact avec les puissances d'Arabie, d'Inde, de Chine, du Japon et d'Europe.

Un courant commercial minimal fut maintenu et les missionnaires furent autorisés à rester ; mais Ayuthaya entrait dans une ère d'isolationnisme qui devait durer plus d'un siècle. Les autorités purent alors se consacrer librement aux affaires culturelles et religieuses. Les communications internes furent renforcées par la canalisation de nombreuses voies navigables. Le règne de Boromakot (1733-1758) fut inauguré par une lutte particulièrement violente pour le pouvoir. Pendant vingt-cinq ans, le Siam vécut ensuite dans une paix inaccoutumée qui marqua l'âge d'or d'Ayuthaya.

Ce calme, en fait, précédait la tempête. Le fils de Boromakot, Ekatat, monta sur le trône en 1758 après une vive querelle avec son frère. Il s'entoura de femmes et vécut dans le plaisir. Pendant ce temps, un modeste chef de village édifiait le troisième empire birman. En 1765, son fils Hsinbiyushin s'empara d'Ayuthaya après un siège de 2 ans. Pressés de se retirer de la capitale conquise, les Birmans tuèrent, pillèrent et incendièrent la ville entière, détruisant du même coup quatre siècles de civilisalion siamoise.

LA PERIODE THONBURI:

Au cours du XVII° siècle, un petit village de pêcheurs en aval d'Ayuthaya était devenu un important avant-poste commercial et défensif. Appelé Bangkok, le «Village des oliviers sauvages», l'endroit avait été fortifié par les Français sur les deux rives du Chao Phraya. Au débouché d'un étroit canal, Taksin installa officiellement sa nouvelle capitale sur la rive occidentale, à Thon Buri, et s'y fit proclamer roi sous le nom de Borom Racha IV. Il dut réunir à nouveau les provinces. En même temps qu'il consolidait son pouvoir à Thon Buri, il dut affronter des attaques birmanes, qu'il repoussa avec succès. Il gouverna jusqu'en 1782. C'est au cours de la campagne victorieuse au Laos que la Thaïlande entra en possession du fameux Bouddha d'émeraude. Chao Phya Chakri le transporta de Vientiane a Thon Buri en 1779. Pour les Thaïs, c'est l'image la plus sacrée de Bouddha. Selon la piété populaire, il est garant de l'indépendance et de la prospérité de la nation. Malgré ces hauts faits et l'insigne protection du Bouddha d'émeraude, le gouvernement de Taksin se mit à dériver dangereusement.

La Dynastie des Chakri:

Une révolte éclata en mars 1782, et Taksin fut contraint d'abdiquer et d'entrer dans un monastère. Un dignitaire de rang inférieur, Phya San, organisateur du complot, offrit le trône vacant à Chao Phya Chakri dès son retour du Cambodge. Le général Chakri endossa la royauté le 6 avril (jour de la fête de Chakri toujours célébrée annuellement) et fonda ainsi la dynastie qui porte son nom.

Le général Chakri prit le nom de Ramathibodi pour régner sur le Siam. Quand le nom dynastique de Rama fut introduit au 20° siècle, on le désigna sous le nom de Rama Ier. Le premier acte de son règne (1782-1809) fut de déplacer les quartiers de son administration de l'autre côté de la rivière, à Bangkok. Destinée à recevoir le Bouddha d'émeraude, la chapelle est le premier édifice permanent du règne de Rama Ier. La défense des frontières du pays fut une des préoccupations majeures de Rama Ier. Il a perpétué une autre tradition d'Ayuthaya, qui consistait pour le souverain à nommer son frère "mahauparaja" (roi suppléant) avec des pouvoirs presque égaux aux siens.

Les successeurs de Rama I, Rama II et Rama III, achevèrent de consolider le royaume et poursuivirent la renaissance des arts et de la culture d'Ayuthaya. Rama II, également artiste de renom, fit construire et réparer un grand nombre de monastères à Bangkok. Le monument le plus célèbre de son règne est le Wat Arun, ou «Temple de l'Aube». Rama II renoua les relations, avec l'Occident, interrompues depuis l'époque du roi Naraï.

Sous Rama III (1824-1851), la porte s'ouvrit plus largement encore, ce qui relança le commerce avec la Chine. Durant son règne, Rama III devait également envoyer des troupes au Cambodge. 14 ans de guerre pour aboutir à une nouvelle reconnaissance du pouvoir Thaï sur le Cambodge. Heureusement pour le Siam, Rama III mourait en 1851 et Rama IV, qui lui était pleinement conscient du danger d'entrer en conflit avec les britanniques, exprima son empressement à reprendre les négociations, enlevant de ce fait toute cause de conflit entre les deux pays.

Grâce à Hollywood, Rama IV (1851-1868) est devenu le roi de Siam le plus célèbre. Mieux connu sous le nom de Mongkut, on le voit dans le film «le Roi et moi» en despote chauve et frivole. L'évêque catholique Pallegoix lui enseignaient le latin, il étudiait l'anglais, lui ouvrant ainsi l'accès aux textes européens. Il cultivait un savoir multiple : l'histoire, la géographie, les sciences, et en particulier l'astronomie. Il prit conscience que les valeurs thaïes traditionnelles ne pouvaient résister à la pression de l'Occident. Il était au contraire convaincu que la modernisation mettrait le Siam sur un pied d'égalité avec l'Europe et permettrait ainsi de réduire les conflits avec les étrangers. La Grande-Bretagne fut la première nation européenne à bénéficier de cet état d'esprit. Des traités furent conclus avec d'autres pays. Ce furent les Etats-Unis en 1856, avec Townsend Harris, la France, la même année avec de Montigny, envoyé de Napoléon III, le Danemark et le Portugal en 1858, la Hollande en 1860 , l'Allemagne en 1862, la Norvège, la Suède, la Belgique, l'Italie, le Japon en 1868, et encore d'autres pays. Mongkut ouvrait ainsi son pays à un flux vital de commerce avec l'étranger, ouvrait les esprits aux nouvelles idées.

La modernisation de Mongkut, qui bénéficiait à tout le pays, fut dans la plupart de cas poursuivie et même intensifiée par son fils Chulalongkorn, qui avait seulement quinze ans quand il lui succéda. Au cours de son règne de quarante-deux ans (1868-1910), le plus long de toute l'histoire thaïe, il transforma un pays asiatique arriéré en un royaume moderne du XX° siècle. Son règne fut véritablement une «révolution venue du Trône». Il entreprit une Réforme de l'administration provinciale en divisant le pays en monthon (régions), chanwat (provinces) et amphoe (districts). En politique étrangère, Rama V dut accepter des compromis et paya la liberté du Siam en cédant des portions de territoire aux appétits coloniaux. Avec la conquête de l'Annam par la France en 1883 et l'annexion de la haute Birmanie par la Grande-Bretagne en 1886. Le Siam se trouva inconfortablement coincé entre deux puissances expansionnistes rivales. Des conflits frontaliers appuyés par une diplomatie de la canonnière obligèrent le Siam à abandonner au profit de la France ses prétentions sur le Laos et le Cambodge occidental. De même, en échange du renoncement à ses droits extra-territoriaux au Siam, la Grande-Bretagne obtint certains territoires dans la péninsule malaise en 1909 (Kedah, Perlis, Kelantan et Trengganu qui devinrent des protectorats).

Le successeur de Chulalongkorn, Vajiravudh (Rama VI), inaugura son règne (1910-1915) par un splendide couronnement. Eduqué à Oxford et complètement anglicisé, il voulut moderniser le Siam par des réformes inspirées de l'Occident, qui transformèrent la société en profondeur. Dans le domaine des moeurs, un de ses premiers édits, de 1913, ordonnait à ses sujets d'adopter des noms de famille. En l'absence de tout système de clan ou de caste, la généalogie n'était pas une science développée en Thaïlande. Autrefois, seuls les prénoms étaient employés, pratique que le roi considérait comme non civilisée. Pour simplifier les titres à rallonge de ses ancêtres vis-à-vis des étrangers, il choisit un nom, «Rama» devant désigner tous les membres de la dynastie Chakri, suivi du numéro de leur règne. C'est ainsi qu'il se proclama Rama VI. L'éducation primaire devint obligatoire dans tout le royaume et les écoles pour les deux sexes se multiplièrent. L'université de Chulalongkorn fut fondée en 1917 en mémoire de son père. Quand la Première Guerre mondiale éclata, le Siam resta neutre. Le 22 juillet 1917, Vajiravudh se rallia finalement aux Alliés et envoya un petit corps expéditionnaire en Europe, ce qui permit au Siam de mieux se faire connaître à l'étranger et de faire partie de la Ligue des Nations. Le drapeau thaï, un éléphant blanc sur fond muge, fut hissé parmi d'autres à Versailles, mais le pachyderme fut pris par mégarde pour un petit animal domestique. L'incident affecta profondément le roi, qui décida de changer les couleurs du drapeau en bandes rouges, blanches et bleue représentant la nation, la religion et la monarchie, bases de la Thaïlande moderne. Vajiravudh se maria tardivement. Son unique enfant, une fille, naquit la veille de sa mort.

La mort prématurée de son frère aîné éleva Prachathipok (Rama VII) au trône royal. Rompant avec les habitudes de son frère, il réduisit les dépenses publiques, à commencer par celles de la maison royale. Cette politique d'économie, combinée à l'accroissement du revenu du commerce extérieur ne tarda pas à porter ses fruits. La crise économique mondiale de 1931 frappa durement les exportations de riz. L'abandon de l'étalon-or, qui liait la monnaie thaïe, le baht, à la livre sterling, fut impuissant à enrayer la crise financière. Deux mois plus tard, un coup d'état mettait fin à un règne paternaliste mais absolu. Ce fut le dernier des monarques absolu.

La Revolution:

Le complot avait été préparé par le Parti populaire. Un rassemblement de civils et de militaires dirigés par des Thaïs éduqués à l'étranger. Le roi était absent de Bangkok, il rentra précipitamment et, pour ne pas faire couler le sang, accepta la Constitution provisoire aux termes de laquelle il cessait de gouverner sans cesser de régner. Le 10 décembre 1932, le roi signa une Constitution de type parlementaire qui promettait le suffrage universel et des élections générales tous les quatre ans. Phraya Mano fut nommé Premier ministre.

Le contrecoup d'état du 20 juin 1933 redistribua les cartes, l'Assemblée Nationale rouverte et Phraya Pahol devint premier ministre. En réaction contre le gouvernement du nouveau Premier ministre il y eu une révolte conduite par le Général Bovoradej, Ministre de la Défense du précédent gouvernement et de certains officiers retraités de haut rang. Des combats eurent lieu de 11 au 17 octobre 1933 pour se terminer par la victoire de l'armée. La politique thaïe des deux décennies suivantes fut dominée tour à tour par Pibul, qui s'appuyait sur l'armée, et par Pridi, soutenu par les milieux intellectuels. Prachathipok, pendant ce temps, se trouvait de plus en plus mal à l'aise dans son nouveau rôle et décida de se rende en Europe sous le prétexte d'y faire soigner sa vue. Durant son séjour en Europe, de nouvelles querelles éclatèrent avec le gouvernement, elles culminèrent en 1935, et le 2 mars, il décida d'abdiquer. Dans son discours d'adieu à la nation, il déclara qu'il avait abandonné son pouvoir absolu au profit du peuple thaï tout entier et non d'un groupe particulier. Il était alors en Angleterre et y demeura jusqu'à sa mort, en 1941 à l'âge de 48 ans, avec le titre de «Prince Sukhothaï».

N'ayant pas désigné de successeur, c'est l'Assemblée Nationale qui proclama Ananda Mahidon roi sous le nom de Rama VIII . Cet enfant de dix ans, étudiant en Suisse était le fils aîné du Prince Mahidol de Songkla et neveu du roi défunt. Un Conseil de régence de trois membres fut désigné pour agir durant sa minorité. Le 16 décembre 1938, le Conseil de Régence nommait le colonel Luang Pibul comme Premier Ministre en remplacement du Colonel Phraya Pahol.

La période 1935-1938 fut marquée par une des crises gouvernementales permettant a Pibul de contrôler le pouvoir. Sous son régime autoritaire, à partir de décembre 1938, le nationalisme fut à l'honneur tant sur le plan économique que culturel. Le gouvernement de Pibul changea aussi le nom du pays de Siam (Prathet Syamen) en Thaïlande (Prathet Thaï). Le nom international devenant également Thaïlande. En mai 1941, un traité était signé à Tokyo, la Thaïlande se voyait restitué les territoires de Battambong, Siamrap, Champasak et Lanchang.

La guerre fit irruption en Asie orientale le 8 décembre 1941. Pendant cette seconde guerre mondiale, le gouvernement conclut une alliance avec les Japonais. Cette alliance fut suivie de la déclaration de guerre contre les U.S.A. et la Grande-Bretagne (le 25 janvier 1942). Grâce à cette protection, la Thaïlande put réaliser sa politique expansionniste au dépens de la Birmanie, de la Malaisie ou du Cambodge. Fin juillet 1944, Pibul fut obligé de démissionner suite à un vote à l'assemblée Nationale, et Khuang Abhaiwong devint Premier Ministre. Le 15 août 1945 ce fut la fin de la seconde guerre mondiale.

Seni Pramoj fut nommé Premier ministre de manière à réconcilier la Thaïlande avec l'Occident. La Thaïlande posa sa candidature aux Nations Unies dont elle devint le 55eme membre le 16 décembre 1946. Seni fut rapidement remplacé par Pridi, dont la position pendant la guerre avait restauré l'image de marque. Le roi Ananda Mahidon, alors âgé de vingt ans, rentra au pays en 1945 et reçut un accueil tumultueux. Un an plus tard, le jeune roi fut retrouvé mort dans sa chambre, tué d'un coup de pistolet. Cette mort tragique et non élucidée causa la perte de Pridi.

Le jeune frère du roi, Phumiphon Adulyadet, l'actuel monarque, lui succéda. Le nouveau roi reprit ses études en Suisse en 1946 et le prince Rangsit de Jainat, qui venait de passer six ans en prison, fut nommé régent jusqu'à sa mort en 1951. Les militaires consolidèrent leur pouvoir en 1947 par un coup d'état qui ne fit pas de victimes. Le maréchal Pibul revint sur le devant de la scène politique en 1948. Il devait rester à la tête du gouvernement pendant dix ans. Sa politique étrangère anticommuniste l'incita à chercher une collaboration plus étroite avec les Etats-Unis contre la république populaire de Chine. La Thaïlande rejoignit l'OTASE (Organisation au traité de l'Asie au sud-est) pour combattre l'agression communiste. L'aide économique américaine débuta en 1950, elle fut consacrée pour l'essentiel aux dépenses militaires.

Le coup d'état de 1957 était orchestré par trois généraux : Sarit, Thanom Kittikachorn et Praphat Charusathien, qui ont dirigé la Thaïlande de 1957 à 1973. A la mort de Sarit, en 1965, Thanom devint Premier ministre et chef de la junte, avec Praphat comme commandant en chef de l'armée. Pendant la guerre du Viêt-nam, la Thaïlande se rangea au côté des Etats-Unis contre la menace communiste. La construction de six bases aériennes américaines fut autorisée en 1965 en échange d'une aide financière pour la construction d'autoroutes.

La Democratie:

En 1968, le roi promulgua une nouvelle Constitution et, l'année suivante, Thanom fut confirmé au poste de premier ministre par des élections démocratiques. Cependant la situation intérieure ne devait pas tarder à se détériorer à la suite d'un conflit entre la nouvelle Assemblée élue et le cabinet. La Constitution fut abrogée et la loi martiale instituée. Les leaders du mouvement estudiantin demandaient la fin de la dictature militaire et le retour à la démocratie parlementaire. L'agitation gagna principalement l'université Thammasat, réputée de gauche. En octobre 1973, des émeutes firent soixante-neuf morts et huit cents blessés.

Il s'ensuivit une période d'ouverture entre 1973 et 1976, qui fut un cauchemar pour les bureaucrates et l'élite militaire. Le gouvernement le plus fructueux fut celui de Kukrit Pramoj, qui mena une sage politique extérieure. Il renoua des relations diplomatiques avec la république populaire de Chine et renforça le rôle de la Thaïlande au sein de l'ASEAN (Association de pays du sud-est asiatique). En octobre 1976, de nouveaux affrontements entre les étudiants et la police provoquèrent la reprise du pouvoir par l'armée.

La chute du Viêt-nam, du Laos et du Cambodge en 1975 a entraîné le retrait des troupes et de l'équipement américains de Thaïlande. L'opinion mondiale pensait alors que la Thaïlande serait le prochain pion qui tomberait dans le camp communiste. Ces prédictions alarmistes furent déjouées grâce à l'union du pays autour du roi et de la religion bouddhiste.

«Nous régnerons avec l'aide du Dharma (la Loi, l'enseignement bouddhique) pour le bien et le bonheur du peuple siamois». Telle fut la promesse solennelle que fit le roi Phumiphon Adulyadet (Rama IX) lors de son couronnement.

Parcourant sans cesse le pays en compagnie de la reine Sirikit, en visite d'inspection et pour tâcher d'améliorer le bien-être du peuple, le roi inspire un respect général. En tant que monarque constitutionnel, il reste neutre pendant les crises. Les putschistes ont toujours fait serment d'allégeance à la Couronne. L'autorité morale du roi s'est révélée avec éclat en avril 1981 et plus récemment en avril 1985, alors qu'un groupe d'officiers se faisant appeler les «jeunes turcs» manigançaient un coup d'état pour renverser le général Prem Tinasulanon. Bien qu'à la tête de forces considérables, le groupe échoua rapidement dans sa tentative quand il apparut qu'il n'avait pas le soutien tacite du roi. En 1982 c'était de deux centièmes anniversaires de Bangkok et la dynastie Chakri. Le dernier demi-siècle fut très mouvementé. Aujourd'hui, la Thaïlande est, en quelque sorte, le front occidental de l'Orient, elle reste une «terre de liberté». Selon les termes du roi : «Nous sommes encore là, et nous y resterons pour le bien de l'humanité».